Fonction visuelle et Ball Trap

Il est évident que la réussite dans le tir aux plateaux ne peut se concevoir sans une bonne qualité de la vision, qu’elle soit corrigée ou non.

En effet, la coordination entre l’œil et la main du tireur guide la bonne réaction devant la cible, elle-même consécutive à une analyse précise de la trajectoire qui est conditionnée par une vision si possible performante.

1- la vision

C’est la faculté de voir ce qui nous entoure, et elle fait appel à des mécanismes neuro-sensoriels complexes, qui peuvent se trouver perturbés. Dans le cadre de ce qui nous intéresse, il ne s’agit pas de se contenter de regarder simplement le plateau voler, il est question de pouvoir se concentrer visuellement et intensément sur ce plateau. Plusieurs qualités sont alors requises, relatives aux divers processus mis en jeu :

  • L’accommodation : capacité de focaliser sa vue clairement à différentes distances.
  • L’acuité : capacité de discerner la cible, de la localiser rapidement dans la périphérie du champ visuel, et de concentrer sa vue sur cette cible mobile.
  • La convergence : faculté de percevoir une seule image alors que les deux yeux fixent la cible en même temps.                                                                             
  • La perception de la profondeur et du relief : qualité permettant de percevoir les objets en trois dimensions et de mieux apprécier leur éloignement.
  • La vitesse de reconnaissance : rapidité avec laquelle les yeux identifient la cible dans son environnement.

Dès l’apparition du plateau, tous ces mécanismes, plus ou moins efficaces selon les individus, se mettent en œuvre.

Un mouvement oculaire rapide localise d’abord le plateau, et évalue sa direction, sa vitesse et sa distance.
Puis intervient un mouvement de poursuite visuelle centrée et focalisée sur le plateau.

Cela demande un effort de concentration visuelle, et toute distraction générée par un coup d’œil malencontreux vers un autre objet environnant peut aboutir à un plateau manqué, souvent en raison d’une réaction retardée ou d’un « coup de doigt ».


2- la concentration visuelle

Elle est basée sur la focalisation intense de la vue sur le plateau, qui guidera la bonne coordination des mouvements.

Le tireur doit fixer le plateau sans le quitter des yeux jusqu’au moment du tir et ne pas se laisser distraire par ce qui l’entoure (décor, changements de couleurs, ombres, bruits, flash, mouvements ou objets situés dans la périphérie de son champ visuel).

Il est possible d’améliorer cette capacité de concentration visuelle par des exercices appropriés, afin d’acquérir des facultés de réponses rapides à des stimuli visuels. Par exemple, on peut s’exercer à fixer en la suivant des yeux une balle de tennis se balançant au bout d’un fil, ou encore à concentrer sa vue alternativement pendant quelques instants sur des perles de couleurs différentes, espacées de plusieurs dizaines de centimètres et enfilées sur un long fil tendu à partir d’un mur et tenu par la main à hauteur des yeux.


Il faut savoir que l’excès de concentration visuelle peut aboutir à un certain degré de fatigue oculaire.

 3- l’œil directeur

L’un des yeux domine habituellement l’autre dans la fonction d’intégration des stimuli visuels, et il influence bien évidemment l’alignement du fusil et le pointage des canons vers le plateau.

Tout tireur doit connaître avec certitude son œil directeur qui même si c’est le cas le plus fréquent, n’est pas obligatoirement l’œil droit pour un droitier, ou l’œil gauche pour un gaucher.

Parfois, un changement d’œil directeur peut intervenir, soit définitivement au cours de la vie (souvent entre 40 et 50 ans), soit de façon temporaire ou intermittente, en cas de fatigue visuelle inhabituelle. Ce changement inopiné est la cause d’une baisse significative des performances, qu’il faudra savoir bien interpréter, sans l’imputer par exemple à un problème de matériel (fusil ou cartouches).

Pour connaître son œil directeur, il suffit pour un droitier de pointer son index vers un objet éloigné en gardant les deux yeux ouverts et de vérifier si l’index reste sur l’objet visé lors de la fermeture de l’œil gauche : si ce n’est pas le cas c’est que l’œil gauche est l’œil directeur. Le tireur concerné par ce délicat problème a l’impression « de ne plus savoir tirer », et trois solutions s’offrent alors à lui :

  • La plus difficile pour un droitier : apprendre à tirer en épaulant du côté gauche.                                                                        
  • La plus simple : fermer l’œil gauche au moment du tir ou le masquer, soit avec un cache pivotant sur la monture de lunettes, soit avec une petite pastille collée sur le verre en regard de la pupille (pour diminuer partiellement l’influence prédominante de cet œil).

  • La plus excentrique : équiper son fusil avec une crosse torsadée et sinueuse dite "de borgne", pour continuer à épauler à droite en alignant les canons dans l’axe de l’œil gauche.


Quoi qu’il en soit, s’il n’existe pas au départ de problème particulier d’oeil directeur, il faut s’efforcer de tirer avec les deux yeux ouverts.
Ce conseil fait l’unanimité parmi les instructeurs de tirs aux plateaux. Même s’il est possible de devenir un tireur performant en tirant avec un œil fermé, il ne faut pas oublier que la qualité de la perception visuelle reste tributaire de l’utilisation des deux yeux (vision binoculaire) à différents niveaux :

  • la perception du contraste
  • la vision périphérique
  • l’appréciation du relief

Par ailleurs, la concentration visuelle exercée avec un seul œil risque d’engendrer davantage de fatigue oculaire.
Enfin, pour beaucoup de débutants, le fait de tirer avec un œil fermé incite souvent à viser le plateau, comme une cible avec une carabine, en arrêtant le mouvement, alors que le fusil doit seulement être pointé dans la direction du plateau.

 4- la protection des yeux

Le port de lunettes à l’épreuve des plombs est grandement recommandé, avec des verres larges et incassables, que l’on ait besoin ou non d’une correction optique. Cette recommandation est même une obligation depuis longtemps aux Etats-Unis, et le deviendra à partir de 2004 en Grande-Bretagne, puis en France et lors des compétitions internationales sous l’égide de la  FITASC (parcours de chasse et compak-sporting).
Un seul plomb ou un petit éclat de plateau peut-être suffisant pour entraîner une grave blessure, voire la perte d’un œil.

Les verres de couleurs différentes peuvent avoir un intérêt selon les conditions de luminosité, comme le jaune par temps gris et sombre, ou le marron par temps très ensoleillé. S’il faut se protéger des rayons ultraviolets, on s’aidera au mieux de la visière d’une casquette, mais il faudra se méfier des verres de couleur grise ou verte foncée qui suppriment tout contraste entre le plateau et l’arrière-fond.

Pour certains spécialistes, la couleur recommandée reste " l’absence de couleur" !!
En effet, plus l’œil du tireur peut tolérer d’intensité lumineuse, plus sa pupille se rétracte, et meilleure sera la perception des détails et du relief (comme sur une photographie prise avec un appareil dont le diaphragme est peu ouvert, améliorant ainsi la profondeur de champ).

La fatigue des yeux peut survenir, comme pour tout organe, et certains facteurs jouent un rôle important :

Il faut privilégier :

  • Un sommeil d’une durée suffisante pour reposer les yeux.
  • Un environnement d’air sain, sans fumée de cigarettes, pour éviter l’irritation des globes oculaires.
  • Un temps de repos avant le tir si l’on a fait un long trajet en voiture (nécessitant une attention visuelle soutenue) pour se rendre à une compétition.

Il faut éviter :

  • D’être soumis peu avant une compétition à des heures de lecture, devant un livre ou un écran d’ordinateur, focalisant les yeux sur des petits caractères.
  • De passer inutilement de longs moments, en attendant son tour, à regarder les innombrables plateaux tirés par les autres compétiteurs, surtout par temps ensoleillé.
  • D’abuser de boissons alcoolisées, dont les effets négatifs sont biens connus pour perturber l’évaluation des distances, la vision périphérique et l’adaptation aux variations de luminosité.

Un dernier point à envisager est le clignement des yeux, parfois augmenté en cas de fatigue visuelle et neuromusculaire, ou en cas de forte luminosité.

Il se produit en moyenne 15 à 20 fois par minute, et c’est un mécanisme physiologique normal et nécessaire à la protection et à l’humidification des globes oculaires.

Le tireur doit absolument éviter de cligner des yeux pendant toute la durée du processus de poursuite et de dépassement du plateau, puis de déclenchement du tir. La durée d’un clignement d’œil étant d’environ 1/5ème  de seconde, il faut réaliser que c’est le temps mis par un plateau volant à 90 ou 100 km/h pour parcourir une distance de 5 à 6 mètres. Cette fraction de la trajectoire échappera ainsi totalement au contrôle visuel du tireur.


Docteur Marc Vouaux, médecin fédéral national

(Revue « Ball-Trap », trimestriel N°5, 2004)